Des Vosges à la Méditerranée (acte 2)


Le ballon d'Alsace est, à présent, bien loin. Loin les chaumes et les tourbières humides, les névés de printemps, le vert tendre du Jura, les forêts d'épicéas de la Chartreuse et du Vercors. La Méditerranée s'ouvre devant nos pas. Diois, vallée du Buëch, pays de Sisteron ... ces noms sonnent comme des chants de cigales, des prairies d'orchidées et des reflets blancs-gris du calcaire. Pourtant les Alpes donnent encore le "la", par leurs dénivelés marqués, leurs brusques changement de météo...

Passée la montagne de Lure, apparaît la Provence des cabanes de pierre sèches, des murets abritant les troupeaux de moutons, la Provence du thym et du romarin, celle des marchés colorés de fruits, de légumes et parfumés des senteurs des "Banons", fromages de chèvres onctueux. Les sentiers se font moins rudes mais toujours pierreux, éclatants de calcaire.


Luberon, gorges d'Oppède, douceur de vivre des villages contrastant avec l'apreté des garrigues. Places ombragées de tilleuls et de platanes auxquelles s'opposent les ardants rayons du soleil de mai. Délices des petites gargotes aux plats simples et savoureux, confits d'aubergines, tapenades, daubes de boeuf aux épices.


Luberon toujours, aux milles et un visages: Reliefs de calcaires travaillés par les eaux, si discrètes pourtant, carrières d'ocres aux nuances infinies de couleurs, bleus, blancs, jaunes, terra cotta, ... Puis renouer le contact avec le relief, Petit Lubéron, Grand Lubéron, Mourre Négre, premières vues panoramiques sur la montagne Sainte Victoire. S'ennivrer des vins de Provence, des chants des guêpiers, oiseaux arc en ciel.

Quelques mois s'écoulent encore. La mauvaise saison nous rejoint sur la montagne de Cézanne. Averse de neige de noël, la Sainte Victoire joue l'austérité des teints blafards. Au loin, la Sainte Baume, dernier bastion des Alpes, avant-dernière vague de calcaire avant les Calanques, ultime ressac de roche rencontrant le ressac de la mer.

Alors que le printemps revient enfin, et nous offre la douceur des pétales froissés des cistes cotonneux, l'hiver mène sa dernière bataille sur la Sainte Baume. Dans un vent glacial, la Méditerranée apparaît enfin, d'un bleu profond, infini, tranchant avec la douceur du ciel printannier.

Voici enfin Cassis. Le Cap Canaille au fond, les Calanques devant nous. Les pins s'accrochent aux quelques bribes de terre dans l'anfractuosité des roches. Etonnante étape alpine, au niveau de la mer. Le sentier, très aérien, s'élève vers les points de vues vertigineux pour se lover dans les replis des Calanques, abritant quelques baigneurs, quelques voiliers. Bivouac sur les falaises, ciel scintillant, mistral rafraîchissant.

Quelques kilomètres encore et le sentier se fond dans la ville, happé par Massilia. Cosmopolite, bigarrée, attachante par la diversité des cultures qu'offrent la Canebière et le Vieux Port, Marseille constitue un point final à cet exceptionnel trekking du sommet des Vosges à la Méditerranée.