
Je quitte Djanet après une brève halte dans la palmeraie. Roucoulements de tourterelle maillée et bruissements d'ailes rouges flamboyantes des amarantes du Sénégal sont vite derrière moi.
Devant, se dressent, pareil à des forteresses imprenables les vertigineuses façades du plateau de Tamrit. Il faudra ruser, pénétrer par des éboulis instables, se glisser dans des gorges profondes où le jour pénètre avec peine. Il faudra se glisser dans le lit des oueds asséchés, redresser les charges vacillantes des ânes qui peinent dans les lacets des sentiers pour gagner, enfin, les hauteurs à la tombée du jour.
Abrités sous l'encorbellement de grès creusés par des eaux dont seules les roches gardent la mémoire, je fais connaissance avec l'équipe muletière et notre guide Abdel Raman. Touaregs Kel Ajjers, tous sont amoureux du "plateau". Cette forteresse que les chameaux même ne peuvent gravir ajoute à la verticalité des ses façades extérieures le dédale de ses sentiers sommitaux. Colonnes de pierre, arches, lucarnes constituent un labyrinthe que n'auraient pas renié Minos et Dédale.
Mais quels trésors a-t-on donc abrité de tant de précaution? Serait-ce le discret et rare Goundi de Mzab, ce petit rongeur timide endémique? Ou les élégantes perdrix gambras qui nous rendent visite à Sefar? Le vent se lève comme pour rendre notre progression plus difficile, le trésor est proche, il n'y a plus de doute. Ces cyprès de plus de 6000 ans, parmi les plus vieux êtres vivants de notre planète détiennent-ils le secret du plateau de Tamrit ? Le froid ajoute à la fatigue, la caravane de petits ânes poursuit son chemin dans des paysages à chaque instants renouvelés. Mille et une peintures rupestres émaillent notre parcours de scènes intemporelles "accouchement", "chasse à l'antilope", "fêtes et cérémonies" se disputent la vedette avec les "troupeaux de bovins", les "sorciers" ou ce crocodile improbable en plein Sahara. Ces peintures multi-millénaires seraient-elles "le" trésor? Jabbaren, haut lieu de l'art pariétal en serait-il l'écrin ultime? A l'heure où meurt le soleil, abrités du vent et des nuages s'amoncelant au-dessus de nos têtes dans de minuscules abris de pierre sèche, réunis autour du feu minuscule sur lequel chauffe le thé, nous partageons ces instants magiques. Quelques légumes pour humidifier la semoule, le scintillement des braises, les yeux pleins des paysages puissants des tassilis, le cœur nourri des rencontres que je fis durant ces trois semaines dans les Ajjers, je comprends, enfin, la nature du trésor.