Grande traversée du Zanskar

Août 2007, Dehli, Inde. La chaleur et la moiteur étouffantes de la mousson ont envahi la ville. Après onze heures de vol, l'organisme accuse le coup. Ce d'autant que l'univers dans lequel je baigne n'offre aucun repère auquel s'accrocher. Tout, odeurs, bruits, atmosphères et scènes quotidiennes est d'une violence extrême. L'on a beau s'y préparer, savoir que ces odeurs d'excréments, de pollutions, ces corps malades, blessés, allongés à même le sol seront notre lot, il est difficile de l'accepter. D'autant plus difficile qu'à cet extrême répond l'extrême opposé; richesse culturelle, monuments inouïs, plats savoureux. Dehli mériterait bien plus d'une journée pour en comprendre les richesses et les paradoxes.

Une heure et demie de vol et me voici à Leh, 3500m d'altitude, capitale du Ladakh, ancien royaume tibétain. 24 heures de repos pour gérer le différentiel brutal d'altitude puis je pars à la découverte de la ville que domine l'ancien palais royal du XVII° siècle et le monastère du Namgyal Tsemo.

3700m, je domine la ville, l'Hindus et ses affluents. A l'univers minéral des montagnes alentours répond, à mes pied, le vert des peupliers et des parcelles de blé, d'orge et de potagers. Oasis de vie au milieu du désert. Car c'est bien de désert qu'il s'agit, minéral, austère. Un désert pourtant différent, plus inhospitalier que le Grand Erg tunisien ou même le Saddle au pied du Kilimandjaro. Et c'est de cette austérité contrastant avec les monastères disséminés au long de l'Hindus que naît un paysage d'une beauté époustouflante.

Shey, Tikkse, Hemis, hauts lieux de l'Histoire ladakhi et témoignages de la forte empreinte du boudhisme dans la région vibrent toujours de la ferveur des moines qui animent ces lieux. J'y consacre ma troisième journée au Ladakh, malgré la fatigue importante et ... inquiétante qui m'atteint.

Vertiges, fatigue, le mal des montagnes semble, hélas, s'être installé et j'écourte la visite des bazars pour offrir un peu de repos au corps malmené avant de prendre la route de Lamayuru. Cette route est une aventure à elle seule. Chantiers titanesques conduits à près de 4000m d'altitude par des forçats taillant la roche et traçant au dessus de gorges insondables la route vers le Cachemire. Les véhicules se croisent à peine et les carcasses de camions au fond du ravin ne sont pas faites pour rassurer. 7 heures de routes se sont écoulées, arrivée à Lamayuru.

Roches polychromes, jeu de lumière des nuages, verts tendres des cultures; le paysage environnant le monastère de Lamayuru est, sans doute, parmi les plus impressionants qu'il m'ait été donné de voir. A la beauté du site répond la beauté des visages, la sérénité des lieux.

Mais hélas, mille fois hélas, le mal des montagnes ne passe pas et semble même s'intensifier. A peine capable de visiter le monastère, je ne me sens pas suffisemment fort pour enchaîner les dix jours de trek prévus avec trois passages de col à plus de 4500 m dont un à 5100m. C'est la mort dans l'âme qu'il faut rebrousser chemin jusqu'à Leh ou, peut-être je pourrais envisager un programme plus léger après quelques jours de repos.
 Le diagnostic tombe, mal des montagnes confirmé, assorti d'une infection intestinale: 48h de repos. Dans le patio du Singge Palace, affaibli, je songe avec tristesse aux paysages tant rêvés de la vallée du Zanskar, bercé par la lecture des aventures d'Alexandra David Neel.

Hôpital de Leh. Après deux heures d'attente et d'errance de service en service, le médecin donne le verdict: la saturation en oxygène s'améliore mais l'affaiblissement à favorisé l'infection et l'évacuation est conseillée. Le nez dans le guide des oiseaux du sous-continent indien, je ne peux que rêver aux observations que je ferai, aux sourires d'enfants que je recroiserai dès que mon retour ...